« Every step that we are doing, one by one, makes us come closer to our goal. » (*)
C’est la phrase que m’a dite ma fille un jour que nous marchions dans le parc de Natural Bridges dans l’Utah. Je me souviens de la surprise, agréable, de cette petite phrase, sortie spontanément, alors que nous marchions depuis un moment sans trop savoir où nous allions. Cette petite phrase, je l’ai notée dans mon carnet. Et elle m’amène aujourd’hui à plus amples réflexions : écrire – et j’irai même plus loin, vivre ! – n’est-ce pas finalement comme cette grande randonnée dont le parcours n’est pas toujours balisée ?
Je me rends compte que, comme dans les randonnées, mon cheminement dans l’écriture a été celui de chercher, longtemps, la bonne direction. Attendre de l’aide, s’inspirer, tâtonner puis rebrousser chemin de peur de … de quoi au juste ? En y réfléchissant et après coup, je me rends compte que la liste était longue mais que beaucoup de choses n’étaient pas aussi importantes que je ne le croyais. Mes principales frayeurs étaient le jugement des autres et la peur d’échouer. J’ai appris à vivre avec ses peurs, à les accepter. M’en débarrasser ? Pas vraiment. On ne se débarrasse pas de son vertige en grimpant sur un pont suspendu. Mais pas à pas, en se rassurant à chaque étape, en se concentrant sur son but, on arrive à dépasser son état de panique et à traverser.
Je me rends compte que comme dans les randonnées, nous faisons parfois des détours qui nous paraissent inutiles, nous faisons fausse route et nous en éprouvons de la frustration car cela nous a éloigné de notre objectif. Pourtant ces détours nous apportent aussi des trésors cachés, des vues imprenables et de belles rencontres. J’ai souvent culpabilisé de ne pas avancer assez rapidement sur mes écrits. Mais je sais aussi que ces détours me permettent de m’améliorer et d’aller plus loin. J’ai appris à suivre mon intuition qui pourtant me déstabilise souvent par son irrationalité.
Je me rends compte que, comme dans les randonnées, il est des passages où nous sommes épuisés. Le pas suivant est soudain plus lourd. On se demande dans combien de temps nous allons atteindre le sommet. La pause est alors bienvenue, on reprend de l’énergie, on focalise sur ce qui nous entoure et le plaisir de se mouvoir dans des paysages fabuleux, on partage nos sensations avec nos compagnons de route. Mes pauses dans l’écriture m’ont souvent permis de retrouver un deuxième souffle et de trouver de nouvelles idées.
Je me rends compte que, comme dans les randonnées, nous avons parfois peur de déraper, de glisser, de tomber. Je dis toujours à mes enfants de s’assurer que la pierre sur laquelle ils mettent le pied est stable avant de faire le prochain pas. Nous avons besoin d’être rassurés. Ces passages plus difficiles nous empêchent souvent d’apprécier le paysage. Toute notre attention est portée sur le prochain pas. Ils sont pourtant des passages obligés. Se rendre compte qu’ils ne sont que provisoires permet d’avancer plus assurément. Dans l’écriture, il m’arrive souvent de trébucher sur les mots, de ne pas trouver la bonne façon d’exprimer l’idée que je souhaite faire passer. Reprendre, rechercher, trouver le bon angle et puis lâcher prise et me lancer me permet finalement de ne pas perdre pied.
Je me rends compte que, comme dans les randonnées, le périple est plus agréable lorsqu’il est partagé avec d’autres. J’ai toujours cru que l’écriture était solitaire. J’ai eu la grande surprise de découvrir des communautés d’écrivains qui se soutenaient les uns les autres. J’ai découvert la joie d’écrire dans la même pièce que d’autres. Les échanges, la bonne humeur, les rires m’ont permis d’aller plus loin dans l’écriture.
Enfin, je me rends compte que, comme dans les randonnées, le trajet parcouru est tout aussi important et intéressant que l’arrivée. Les moments de découverte, d’émerveillement, d’exploration sont précieux : ils nous apportent autant que la vue finale. Pour l’écriture, les mots sont autant un plaisir que toute l’histoire qu’ils racontent.
Dans cette randonnée avec ma fille, certains passages nous faisaient passer par des échelles peu sûres qui tremblaient sous chacun de nos pas. Certains passages nous semblaient longs. Certains passages nous émerveillèrent par leur beauté. Et une fois arrivés à notre but, encore essoufflés par l’effort, nous avons été époustouflés par la vue, par les sensations, par le trajet accompli. Ce parcours, composé d’une multitude de petits pas, nous a apporté un sentiment de satisfaction intense : celui de l’accomplissement. Ma fille a tout à fait raison : chaque pas, l’un après l’autre.
(*) »Chaque pas que nous faisons, l’un après l’autre, nous rapproche de notre but. »