Pour ce nouvel interview, j’ai très envie de vous présenter Véronique Martin-Place. Auteure pour la jeunesse, elle propose aussi des accompagnements pour les personnes qui ont un projet d’écriture. Et qui plus est, elle fait partie de la grande famille des expatriés. En juin dernier, elle a publié un livre dont je vous ai parlé dans la sélection de livres Journal d’une ado expatriée. Aujourd’hui, elle me fait l’honneur de répondre à mes questions ! L’occasion de faire plus ample connaissance avec cette auteure plein de promesses !

– Bonjour Véronique ! Serais-tu joueuse ? Accepterais-tu de compléter ce portrait chinois afin que nous puissions mieux te connaître ?

a) Si tu étais un livre, tu serais… :
Quelle question difficile ! Mais je choisis Inside Out and Back Again de Thanhha Lai. Parce que cela raconte l’histoire d’une famille de boat people qui s’installe aux États-Unis et se reconstruit. Parce que ce livre est emblématique de l’histoire des réfugiés avec un grand R quels que soient la période et le lieu. Parce que c’est magnifiquement bien écrit et qu’il s’agit de littérature pour la jeunesse.

b) Si tu étais un auteur, tu serais… :
JK Rowling ! Pour sa persévérance, car elle a essuyé de nombreux refus avant de voir son projet accepté par une maison d’édition.

c) Si tu étais un film, tu serais… :
Sur la route de Madison de Clint Eastwood d’après le roman de Robert James Waller pour les cahiers découverts par les enfants de Francesca au début de l’histoire, pour les ponts couverts, pour l’histoire d’amour unique entre les deux protagonistes et le renoncement de Francesca.

d) Si tu étais un personnage de roman … :
Je serais Eugenia « Skeeter » Phelan dans The Help (La couleur des sentiments en français) de Kathryn Stockett. Par le biais de l’écriture d’un livre de témoignages, elle permet aux bonnes noires de révéler leur quotidien professionnel dans les familles blanches du Mississippi des années 60. Elle a un rôle de catalyseur qui par effet de boomerang lui permet de prendre, à elle aussi, son envol.

e) Enfin, si tu étais un accessoire indispensable pour un écrivain, tu serais…:
Un carnet, parce que c’est un outil indispensable pour moi avant de passer à l’écran blanc de mon ordinateur. J’y note un peu de tout : des idées, des anecdotes, des citations, des notes de lecture, etc. J’en ai toujours un sur moi.

– Tu as publié en juin dernier « Journal d’une ado expatriée », l’histoire de Léa qui va se retrouver expatriée à Chicago aux États-Unis. D’où t’est venue l’idée de cette histoire ?
L’idée m’est venue en vivant tout simplement l’expérience de l’expatriation avec mes filles, à Chicago aux États-Unis. Au départ, je n’avais pas pour projet d’écrire un roman mais plutôt un album ! Mais j’ai pris des chemins de traverses qui m’ont éloignée de l’objectif initial et l’ont au final transformé.

– Combien de temps as-tu mis pour écrire ce livre et quelles sont les principales difficultés que tu as rencontrées ?
J’ai eu l’idée de l’album jeunesse sur le thème de l’expatriation en 2009 et j’ai publié Journal d’une ado expatriée en 2017. Il s’est donc écoulé huit ans entre l’idée initiale et la publication du livre ! Mais, je n’ai pas mis huit années pour l’écrire. La rédaction pure a duré 10 mois. Puis j’ai fait une pause, il y a eu plusieurs relectures et réécritures. En tout, le projet a duré un an et demi de la mise en route concrète du projet à la publication du livre.

Je n’ai pas eu de difficultés particulières par rapport à l’écriture. Mais le plus dur a été de rendre public le livre, de dépasser mes peurs en prenant la décision de le publier. C’est ce qui a pris du temps une fois le projet rédactionnel terminé.

– « Journal d’une ado expatriée » est écrit sous forme de journal intime. Conseillerais-tu aux adolescents de tenir un tel journal et pourquoi ?
Oui, l’écriture d’un journal peut être bénéfique pour les ados. Dans Journal d’une ado expatriée, Léa hésite à se lancer dans la rédaction d’un journal. Puis au fur et à mesure, elle se rend compte que cela l’apaise, qu’elle écrit ce qu’elle ne peut dire à personne. Elle prend de la distance par rapport à ce qui lui arrive et cela lui permet de dépasser ses difficultés.

– Que t’apporte l’écriture ?

L’écriture est d’abord un temps pour moi, une pause dans une vie quotidienne très remplie. Cela me permet de m’évader en créant des histoires mais aussi parfois d’exprimer des choses que je n’ose pas forcément dire à haute voix.

écrire beaucoup !– Quelles seraient les conseils que tu donnerais à un jeune écrivain ?

Lire beaucoup.
Écrire beaucoup.
S’entourer de personnes bienveillantes qui écrivent aussi.
Participer à un atelier d’écriture.
Partager ses textes pour les améliorer.
Persévérer.
Vivre pleinement pour avoir des choses à raconter !

– Sur un autre sujet, tu as été aussi confrontée à la fameuse « barrière de langues » lors de tes expatriations. Comment as-tu fait pour que tes enfants apprennent la langue locale ? Et comment as-tu fait pour que tes enfants gardent leur français, notamment à l’écrit ?

Avant notre départ pour les États-Unis, nous avons fait le choix d’inscrire nos deux filles alors âgées de cinq et trois ans dans une école publique américaine. L’immersion a été totale pour elles. Elles ont rapidement appris l’anglais (parlé, écrit, lu) par le biais de l’école et des activités extra-scolaires.

À la maison nous ne parlions que le français entre nous, ce qui a permis d’ancrer leur langue maternelle. Nous n’avons pas cédé sur ce point : à la maison et entre nous, on parle français, un point c’est tout. Néanmoins, j’ai bien senti que l’anglais devenait rapidement la langue dominante par la force des choses. Pour éviter cet état de fait, un an après notre installation, elles ont commencé à suivre les cours du CNED à distance (en français uniquement) en plus de la scolarisation en école américaine. L’objectif était de découvrir le français à l’écrit et de le lire aussi, car mes deux filles ont d’abord appris à lire en anglais.

Nous avons continué le CNED en Chine lorsqu’elles étaient scolarisées en école internationale. J’ai donc été « la maîtresse de français » pendant sept années de suite. Aujourd’hui, mes filles m’appelle Madame Bescherelle ! Mais je suis très fière de dire qu’elle sont vraiment bilingues et qu’elles passent d’une langue à l’autre sans aucune difficulté. Revenir en France pendant au moins un mois et demi chaque année en immersion totale a aussi été très bénéfique pour leur niveau de français.

– Quels conseils donnerais-tu aux parents – expatriés ou non – dont les enfants éprouvent des difficultés avec le français à l’écrit ?

D’abord, les faire lire en français ! Et ça, ce n’est pas gagné car une fois qu’ils ont un certain confort de lecture dans une autre langue, ils n’ont pas forcément envie de lire dans leur langue maternelle. Et là, le rôle des parents est crucial. Je conseille donc de faire la lecture à haute voix à ses enfants en français, et dès que possible de partager la lecture : chacun lit un passage à tour de rôle. C’est une belle activité en famille.

Ensuite, les faire écrire en français, sans aucune pression par rapport à l’orthographe. L’objectif est juste de les inciter à passer à l’écrit dans leur langue maternelle. Cela ne prend pas forcément la forme d’un journal intime. Cela peut être une combinaison de plusieurs choses : un journal du quotidien, de notes, d’idées, de mots, de lecture, de voyages, de recettes, que sais-je ! La seule contrainte devant être d’écrire en français.

– Aurais-tu un « mot de la fin » ?

Oui. Merci Catherine de m’avoir donné la parole. Merci aussi pour ton enthousiasme pour la lecture et les livres jeunesse que tu partages avec passion sur ton blog et dans ta lettre d’information que je recommande vivement aux parents en panne d’idées de livre pour leurs enfants !

– Ce fut un plaisir, Véronique, merci à toi !

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