Jamais tant aimé
Il s’était précipité. Il courait dans l’hôpital. Non, pitié, pas ça ! Pas à lui ! Pas maintenant ! Une infirmière l’arrêta.
– Monsieur, je peux vous aider ?
– Mon fils, mon fils est arrivé aux urgences, où puis-je le trouver ?
– Votre nom ?
– Astor. Il s’appelle Jean-François.
– Oui, suivez-moi.
Son cœur s’emballait. Il avait peur de découvrir son fils. On lui avait parlé de l’accident. Une voiture qui avait tourné sans regarder. Le vélo de plein fouet.
Il sentait sa poitrine prise dans un étau. Il n’arrivait plus à respirer. Il n’avait pas osé appeler sa femme. Il voulait la préserver. Une émotion trop forte, ce n’était peut-être pas bon pour le bébé.
Les portes défilaient, toutes les mêmes. L’infirmière ne ralentissait pas.
– Comment va-t-il ? arriva-t-il enfin à lui demander.
– Son état est stable.
Enfin elle poussa une porte. Il prit une profonde inspiration. Mais rien ne pouvait réellement le préparer.
La tête penchée sur un côté, le visage pâle, les yeux fermés. Cette vision lui fit mal. Une projection de ce qui aurait pu arriver. Le voile de la mort.
Petit à petit, il revint à la réalité : un bip régulier, une goutte qui tombait régulièrement pour la perfusion, et le rythme régulier de la respiration.
Il s’approcha, timide. Il aurait voulu le prendre à bras le corps et le serrer fort. Il lui prit doucement la main. Il caressa sa joue. Puis essuya ses propres larmes. Il éclata enfin de rire. Une moue de son fils venait de lui apprendre qu’il ne dormait pas vraiment. Finalement, celui-ci ouvrit les yeux.
– Tu m’en veux ?
– De quoi ?
– Pour le vélo. Il est foutu.
– Non, je ne t’en veux pas.
Le silence revint. Le père s’assit sur le bord du lit, appréciant à sa juste valeur ce doux moment de vie.