« Non, mais sérieux, à Paris, en plus, quand tu dis que tu es bretonne tout de suite on te demande :
– Tu connais une bonne crêperie !? »
Quand on connaît le parcours d’expatriée de Morgane Gauvin, on ne peut que rire de cette scène, extraite de son prochain spectacle. Cette femme pétillante, aux multiples métiers de la scène, a passé son enfance aux quatre coins du monde. Elle a décidé de partager cette incroyable et émouvante expérience sur les planches. Un spectacle est né : une autobiographie en scène, pleine de danses, de chants et d’humour.
– Bonjour Morgane ! Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Bien sûr ! Je m’appelle Morgane Gauvin, j’ai 27 ans, je suis comédienne, metteur en scène et auteur. Je fais du théâtre depuis toute petite et j’ai eu la chance de vivre en Asie, en Afrique et au Moyen Orient car mon père travaille dans l’hôtellerie. Je suis donc fille d’expatriés et suis rentrée en France depuis 6 ans maintenant.
– Tu as beaucoup voyagé dans ton enfance : les Philippines, la Malaisie, Singapour, le Gabon, le Liban, Dubaï… comment as-tu vécu ces différentes cultures et ces différentes langues ?
J’ai très bien vécu ces différents voyages car c’est une chance de pouvoir découvrir d’autres cultures que la sienne. Cela permet d’avoir une plus grande ouverture d’esprit et un regard sur le monde plus positif. Car souvent la réalité n’est pas seulement celle que l’on voit à la télévision ! Je prend comme exemple le Liban… les gens ont souvent des préjugés sur Beyrouth, ce qui est normal car ils ont été témoin de 15 ans de guerre jusqu’en 1990. Alors que Beyrouth est une ville qui s’est largement reconstruite, pleine de vie, de projets et où beaucoup de choses se passent malgré l’instabilité politique. Pareil pour l’Afrique, on a des préjugés alors que c’est un continent où il y a tant à apprendre et à faire. À travers chaque pays, il y a des façons de penser et de faire différentes et comprendre qu’on peut vivre autrement est passionnant.
Je n’ai jamais eu de choc culturels car j’étais enfant quand j’ai commencé à voyager (7 ans) et je n’avais pas d’a priori ni de bagages culturels assez forts pour avoir peur ou pour juger une autre culture, c’est ce qui fait la force des enfants, je pense : ils absorbent tout ce qui les entourent tout en ayant des valeurs solides grâce à leur éducation.
Les voyages m’ont tellement apporté, notamment l’apprentissage de l’anglais, que je parle couramment aujourd’hui, un peu d’arabe également et quelques mots de filipino ! L’anglais a été facile à assimiler car en Asie c’était la langue la plus parlée et malgré le fait que nous soyons dans une école française, nous échangions en anglais avec nos amis et dans la vie de tous les jours.
– Comment as-tu réussi à garder le français au milieu de ces nombreux voyages ?
Nous avons toujours parlé français à la maison et je pense que cela était important car à travers la langue c’est notre “maison” qui nous suit. Le cocon familial a été essentiel car sans les valeurs, la protection et l’amour de ma famille, je pense que j’aurais très mal vécu tous ces déplacements. Ce qui compte c’est que la famille reste soudée car c’est la seule chose qui ne bouge pas.
– Comment s’est passé le retour en France ?
Le retour en France a été difficile, car après 12 ans de voyage je me suis sentie étrangère dans mon propre pays. J’avais 19 ans et il a fallu un temps d’adaptation plus long que dans les autres pays. Mes parents n’étaient pas là, car toujours en expatriation et j’ai dû apprendre beaucoup de choses en même temps: devenir adulte, m’intégrer en France, accepter d’où je venais pour avancer sereinement dans la vie. C’est fait… au bout de 8 ans! Non je plaisante… ça a mis moins de temps mais tout de même ça été un long chemin de remises en question et de batailles.
Malgré tout, je retiens de ces années de voyage un très fort enrichissement qui m’a amené à devenir ce que je suis aujourd’hui.
– Ton nouveau spectacle « Je joue donc je suis » parle de tes voyages et de tes expériences riches, douloureuses et toujours intenses. Pourrais-tu nous le présenter ?
Avec plaisir ! Ce spectacle est une autobiographie. Qui suis-je ? La petite fille bretonne ? La fille qui a été baladée des Philippines en Malaisie, de Singapour au Gabon, du Liban à Dubaï ? Par la danse, les chansons et le rire, je m’interroge, je me dépeins, je me découvre. Les doutes, les questions, les joies et les douleurs se mélangent sur la scène. Tomber, se relever, croire en cette lumière qui me permet de m’envoler encore plus haut. Le théâtre assouvit ma soif de jouer et me permet d’atteindre cet espace de liberté et de rêve. Oui, « Je joue donc je suis« .
– Et si c’était à refaire ?… Serais-tu prête à reprendre ta valise ?
OUI !
J’adorerais repartir au Moyen Orient, en Asie, découvrir l’Océanie, l’Amérique du Sud ! Je rêve de voir tous les pays du monde donc tous les continents m’attirent ! C’est une vie tellement enrichissante que j’adorerais la vivre en tant qu’adulte et l’offrir à mes enfants… un jour !
– Quels conseils donnerais-tu aux parents expatriés qui éprouvent des difficultés à trouver une solution pour faire aimer le français à leurs enfants ?
Je pense que je ferais référence à l’origine de l’enfant. Je lui rappellerais d’où il vient, même s’il a plusieurs origines, qu’il ait grandi à l’étranger ou qu’il soit né en dehors de la France. J’expliquerais combien le français est une langue merveilleuse en montrant des films de réalisateurs français ou des livres d’auteurs français et surtout je garderais contact avec la famille en France pour que les enfants puissent parler régulièrement français avec eux. Car au final la langue française est liée à la France et si on met en valeur ce pays tout en habitant loin alors cela donne un sens à l’enfant et l’aide à aimer et donc à apprendre cette langue.
– Un mot pour finir ?
Je citerais Don Miguel Ruiz, dans « Les quatre accords toltèques » : « La parole n’est pas seulement un son ou symbole écrit. C’est une force qui représente notre capacité à nous exprimer et à communiquer, à penser et donc à créer les événements de notre vie. »
Dans son spectacle, Morgane montre ce tiraillement que tout expatrié expérimente: ces racines qui nous lient à notre pays d’origine et cette curiosité qui nous pousse à découvrir d’autres cultures. Elle montre aussi ce chamboulement dans nos repères, cette difficulté à définir notre propre identité, ces émotions et ces sensations vives et uniques qui nous bouleversent à tout jamais.
Morgane en a fait sa force : « Je joue donc je suis ».
Site de Morgane Gauvin :
http://www.morganegauvin.com
Son spectacle : « Je joue donc je suis »
Théatre des Déchargeurs (Paris) – Du 26 juin 2015 au 18 juillet 2015 – Le Vendredi et Samedi à 21h30
Durée : 1h20
http://www.lesdechargeurs.fr/spectacle/je-joue-donc-je-suis
Voir la bande-annonce :
https://youtu.be/A7WV5tjDKSE