« Story a day » : 21 mai 2015

Douce folie

Boîte aux lettresIl vérifie une nouvelle fois le contenu de son sac. La bombe de peinture, le masque de protection, les pochoirs. Tout y est. Il sort de l’hôtel. Dehors les réverbères se reflètent dans les flaques. Ces yeux sont encore rouges. Il avait senti l’urgence de cette douce folie.

Quatre mois, peut-être six. C’est ce qu’ils avaient dit. Elle était partie au bout de deux. Quand il lui avait parlé de cette conférence aux États-Unis, elle lui avait dit que c’était la chance de sa vie, qu’il devait foncer, ne pas attendre. Elle serait encore là à son retour. Mais ce ne fut pas le cas. Le téléphone avait sonné juste après les applaudissements de son discours. La nouvelle lui avait coupé le souffle. Ces collègues n’avaient pas compris pourquoi il ne participait pas aux festivités. Il était allé s’enfermer dans sa chambre d’hôtel toute la journée. Une tempête dans sa tête. Il avait crié. Il avait hurlé. Il avait jeté ses coussins, les lampes, tout ce qu’il avait trouvé. Une rage qui s’était transformé en désespoir. Et puis l’idée. Il s’y était accroché. Une bouée dans ce déluge.

Il trouve enfin le lieu idéal. Il s’installe. Il s’applique.
Il entend une voix derrière lui.
– Vous n’avez pas honte, jeune homme, de détériorer ainsi la propriété publique !
Il se tourne. Une vieille dame en robe de chambre, son chihuahua dans les bras. Elle le promène en plein milieu de la nuit. Il voit son regard suivre les lettres de son message.
– Bah, peu importe ! dit-elle en haussant les épaules et continuant sa route.
Il enlève son masque, range ses affaires et sort une enveloppe de son sac.
« À celle que j’aime ».

Le lendemain, sur la boîte aux lettres, les passants lirent « Send someone a love letter. » (*)

(*) « Envoyez une lettre d’amour à quelqu’un ».


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