« Story a day » : 5 mai 2015

Le puits

Mouette dans le cielLes murs étaient lisses. Il les connaissait par cœur. Il passait souvent sa main sur eux. Le contact le rassurait. La pièce était ronde. Certains moments de la journée la lumière était vive. Le reste de la journée, ce n’était que pénombre. La nuit, il ne pouvait même pas voir ses mains.
Il se sentait bien. Il n’avait besoin de rien.

Un jour, une ombre passa. Il leva la tête. Elle passa de nouveau et il put voir une forme qu’il ne connaissait pas. Ce jour-là, il ne put s’empêcher de penser encore et encore à cette forme. Il dirigeait souvent son regard vers le haut, espérant revoir cette apparition.

Le jour suivant, il eut l’impression que la pièce avait rapetissé. Le contact de ses mains sur le mur ne lui procurait plus le même plaisir. Il scrutait des yeux le haut de la pièce, à l’affût.

Le jour d’après, l’urgence de voir cette apparition lui prenait toute son attention. Il en oubliait tout le reste.

Le jour encore d’après, il décida de ne plus rester dans cette pièce qui avait été pourtant si confortable. Il vit quelques aspérités qui dépassaient, de ci, de là. Il entreprit d’escalader ce mur.
Il tomba. Il se cassa un poignet. Il souffrait. Désormais, il ne voulait plus qu’une seule chose : voir ce qu’il y avait au-delà de cette pièce. Il reprit son ascension, mais tomba de nouveau.

Il attendit plusieurs jours avant de renouveler l’expérience : son poignet devait d’abord se consolider. Il en profita pour étudier minutieusement toutes les aspérités et préparer une voie d’escalade.

Enfin, il se décida à grimper. Mais ce matin-là, il avait peur. Et si ce qui l’attendait n’était pas à la hauteur de ces attentes, … si l’ombre qui passait n’était pas le bel oiseau qu’il avait imaginé, … s’il tombait une nouvelle fois…
Il s’assit contre le mur, le ventre noué, la tête baissée. Il pleura. Il s’endormit recroquevillé sur lui-même.

Un cri le réveilla. Le cri de l’oiseau. Son cœur battait la chamade. Il scruta le haut de la pièce et vit cette forme si élégante décrire des arabesques dans le ciel.
Il refit mentalement le chemin à parcourir pour atteindre le haut. Et il s’élança sur la première aspérité. Chaque prise l’amenait plus haut. Chaque prise le rapprochait de son but.

À un moment, il se rendit compte qu’une pierre qu’il pensait proche d’une autre était en fait trop loin. Il dût redescendre de quelques mètres et prendre une autre voie.

Il s’arrêtait pour reprendre son souffle. Il s’arrêtait pour admirer la danse de l’oiseau. Il s’arrêtait pour sentir son cœur battre. Il ne s’était jamais senti aussi vivant.

Il lui fallut plus de temps qu’il ne l’avait prévu pour atteindre le sommet. Lorsqu’il sentit enfin sous sa main le replat du bord, un frisson le parcourut. À la joie d’avoir réussi, se mêlait la peur de la découverte de cet inconnu. Il utilisa ses dernières ressources pour s’extirper du puits. Exténué, il s’allongea.

Le ciel était immense, l’herbe était douce, les rayons du soleil lui réchauffaient le corps. L’oiseau vint se poser à ses côtés : ses plumes étaient magnifiques.
Il ouvrit ses ailes et s’envola vers l’horizon.


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